mardi 2 novembre 2010

Black Metal Theatre ?




La dernière création de Gisèle Vienne est la première à laquelle j'ai l'honneur d'assister.
Il est vrai qu'on semble plus parler de danse lorsqu'on aborde le cas de cette compagnie mais nous savons très bien aujourd'hui que les frontières entre ces deux genres sont de plus en plus poreuses.

Le spectacle "This is how you will disappear" créé à Avignon en 2010 va pourtant plus loin que la simple illustration d'une possibilité viable de danse-théâtre, de toute façon déjà explorée par nombre de créateurs (surtout danseurs d'ailleurs).
La représentation auquel j'ai eu la chance d'assister arrive un peu après Avignon à Tokyo (Nishi-Sugamo) dans le cadre du Festival/Tokyo. Il pleuvait à saut ce samedi 30 octobre et la pluie n'a bizarrement cessé que vers 19h, alors que le spectacle commençait à 19h30.

"OMEN, OMEN !!!"

Il va sans dire que tous les spectateurs ayant assisté à ce spectacle sont damnés !
La case purgatoire ne leur sera même pas proposé lors de leur ascension... c'est fini, c'est trop tard, vous avez vu ce qu'il ne fallait surtout pas voir !
"This is how you will disappear" ou titre japonais "こうしてお前は消え去る”, dont la traduction et d'importance, nous y reviendrons, est constitué de plusieurs séquence très marqués, très lisibles.
Mais parlons d'abord du décors : un sous-bois relativement réaliste et impressionnant, c'est certainement la tapis de feuilles mortes qui nous donne le plus l'impression du réalisme bien qu'il ne servira pas vraiment à cela. Je rapprocherai ce tapis de feuilles mortes aux travaux scénographiques de Pina Bausch, qui inventa (enfin pour moi, je n'ai certainement pas assez de culture sur ce point) l'interaction des danseurs, dans son cas, et du décor. Un décor fait pour marquer les acteurs eux-même de sa présence et être modifié par eux. Alors cela n'a évidemment rien à voir avec le téléphone sur le guéridon du théâtre de boulevard, mais renvoie comme ça l'était pour "Le sacre du printemps" à une différence dans la démarche des acteurs, à une fatigue plus importante, et en se focalisant sur l'acteur lui-même à un véritable costume supplémentaire. Nous savons bien aujourd'hui en quoi le costume habille l'acteur et lui-permet d'habiter son personnage ou d'être lui. Dans les créations suscités, pensons au Sacre de Pina Bausch, le décors est aussi et surtout fait pour influencer l'acteur et son jeu.

Découpage

Revenons au découpage des séquences.

Première séquence : Un couple se trouve dans un sous-bois. La femme est gymnaste, elle fait quelques exercices, entrecoupés d'échauffements, du plus simple au plus compliqué. On constate une évolution dans ces exercices. Chaque exercice est une séquence simple que l'on complique afin d'arriver au dernier (une roue enchainé avec un saut de main assuré par l'entraîneur). Les feuilles sur le sol empêche parfois la réception, elle manque de tomber, tombe parfois.
L'entraîneur disparaît alors sans que nous n'ayons vraiment pu le voir sortir de scène.
La gymnaste est laissée seule. Elle marche lentement dans les bois jusqu'à disparaître elle même. Des paroles sont aussi prononcées mais je ne me souviens plus maintenant ce qui était dit à ce moment là.

Intervalle : Les machines à fumée marche à plein tube, la salle est entièrement recouverte d'une épaisse fumée blanche. Tout le monde disparaît, "c'est ainsi que l'on disparaît".

Deuxième séquence : La fumée disparaît lentement elle aussi. Sur scène, nous avons à faire pour un temps, à un marais, le sol étant encore plongé dans la brume. Une rock-star débrayée pleure son aimé (la gymnaste), "il avait peur, il fallait qu'il tue quelqu'un", il voulait se tuer lui-même mais ne trouvant pas le courage il a décidé de tuer sa bien-aimée. Sur le sol on repère effectivement un bras sanguinolent et gelé. Il est intéressant de noter qu'après le passage de la brume les arbres semblent couverts de neige. L'entraineur arrive, il constate le désastre, lui demande si il l'a violé, ce à quoi il répond qu'il n'a pas besoin, qu'il s'agit de sa bien-aimée. L'entraineur se saisit d'une bouteille en verre trouvé là et tue la rock-star en l'éclatant sur sa tête.
Réapparition fantomatique de la gymnaste qui chante tout en se rapprochant de l'entraineur, les paroles expliquant qu'on avait placé beaucoup d'espoir en elle en tant que gymnaste. Chanson très triste et parfaitement exécuté, on reviendra sur le son plus tard.

Intervalle : Le public et la scène sont une nouvelle fois recouvert de brume puis plongé dans le noir.

Séquence dernière : Le quatrième mur est recouvert d'une toile style moustiquaire plus épaisse. Un oiseau de proie traverse la scène. L'entraineur entre à cours avec un arc et des flèches (de style sportif moderne). Il tire deux flèches sur une cible située à jardin. Alors qu'il se rapproche de la cible, l'oiseau de proie se pose sur une branche au-dessus de celle-ci. L'entraineur sort un appareil photo de sa poche mais l'oiseau fuit juste avant qu'il n'est le temps de prendre la photo et sort de scène à cours. FIN

SUNNO)))

Avec un compositeur comme Stephen O'Malley, on savait à peu près à quoi s'attendre. Le guitariste de Khanate et surtout compositeur de SUNNO))) déçoit rarement du point de vue des ambiances. La description faite précédemment ne serait rien sans la musique qui démarre avant la pièce et qui continue tout le long, sauf sur la dernière séquence. C'est elle qui nous tétanise vraiment et c'est avec son encre que la gravure qu'est la pièce marque l'esprit.
Les disparitions dans la dernière-brume de la gymnaste font aussi penser à plus d'une pochette d'album de Black Metal.
Une nouvelle fois ce sont ces sons qui plongent le spectateur dans la terreur lorsque la brume recouvre toute la salle, où qu'il est plongé dans le noir.

EN CONCLUSIONS

Je n'avais jamais assisté à une représentation si terrifiante, et si folle. Les applaudissements m'ont semblé froids et crispés, l'organisation du spectacle n'a autorisé que 2 tours d'applaudissements. J'ai trouvé la fin du spectacle extrêmement froide comme si l'on était soudain lâché dans la réalité après une expérience dans l'ailleurs, j'aurai aimé être un peu plus accompagné pour sortir du spectacle bien que la séquence finale ait été la plus rassurante.
Mais après tout, n'est-ce pas à ça que servent les arts-vivants ?
Comme le disait si bien Artaud en parlant de son théâtre de la cruauté :
"Le spectateur qui vient chez nous saura qu'il vient s'offrir à une opération véritable, où non seulement son esprit, mais ses sens et sa chair sont en jeu. Il ira désormais au théâtre comme il va chez le chirurgien ou chez le dentiste...Il doit être bien persuadé que nous sommes capables de le faire crier".

Lien utile pour savoir qui a fait quoi :
http://www.g-v.fr/creations/vf-thisishowyouwilldisappear-frameset.htm

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